Résidence Rauzan
Mise en commun par l'interdépendance
La découverte d'un territoire en immersion est une occasion inédite d'être à la fois observateur et acteur. S'immerger en tant qu'habitant permet de mieux comprendre les enjeux du territoire. Comme l'évoque Bruno Latour : « Le territoire, ce n'est pas où vous êtes en termes de coordonnées géographiques, c'est ce dont vous dépendez, parce que la dépendance devient la question fondamentale. Autrement dit, ce dont vous dépendez va définir qui vous êtes. » Ce processus de réflexion cherche à rendre visibles les interdépendances. Par ces interdépendances, il y a une volonté de mise en commun et de redéfinition des lieux où l'on vit et dont on vit.
C'est un sujet qui nous anime fortement depuis la recherche réalisée lors du mémoire de master en architecture. Au cours de cette précédente recherche-action, nous avons pu analyser, par l'étude du projet Vassivière Utopia, comment des démarches d'expérimentation peuvent être une source de mise en commun. Ainsi, plusieurs éléments et outils sont ressortis, tels que la ressource habitante, les temps de chantier, ainsi que les moments de partage et de dialogue. Ces éléments constituant les bases de recherches que nous souhaitons mettre en action durant la résidence au sein véritable de la commune de Rauzan. Nous avons également expérimenté la mise en commun à travers le projet Totem. Ce projet participatif visait à mettre en valeur les récits et les richesses de chacun. Ces moments d'échange et de partage, matérialisés par le dessin sur des tuiles en céramique, ont permis de créer une œuvre commune à partir de l'individualité de chacun.
Ainsi, notre première intention pour la résidence est de favoriser les échanges et le partage à travers des interventions au sein des écoles et l'implication des habitants dans des chantiers participatifs. Selon Daniel Estevez, architecte-chercheur, « la rencontre où le faire est inhérent à celle de l'expérimentation : c'est par le rapport au réel que le projet évolue et se modifie. »
Le déjà-là, travail autour de la récupération
Durant la résidence, la thématique de l'environnement et du réchauffement climatique nous amène à considérer le sol dans toute son épaisseur, d'un point de vue géologique, organique et hydraulique (grotte Célestine), afin de reconsidérer les ressources déjà présentes. C'est une démarche qui nous tient à cœur. Par exemple, lors de la conception de vaisselle pour un vigneron en biodynamie, l'ensemble de la terre et de l'émail a été récupéré directement sur le vignoble.
Notre localisation est claire : nous souhaitons agir avec soin en valorisant le déjà-là, les ressources habitantes ainsi que des matériaux locaux et naturels. Notre intention pour la résidence est d'adopter une posture de cueilleur (au sens d'Agnès Varda).Selon Claude Lévi-Strauss dans La pensée sauvage : « Le bricoleur utilise des résiduset des déchets d'événements. Il procède inlassablement à l'inventaire d'un ensemble hétéroclite d'outils et de matériaux déjà constitués, qu'il va réorganiser et reconstruire. »
Territoire en mutation
Requestionner l'appartenance à un territoire commun passe par la capacité à créer des enjeux et des préoccupations partagées, susceptibles d'engendrer du soin et de l'appropriation. La future labellisation Territoire Bio Engagé est, en ce sens, un déclencheur. Nous souhaitons participer à cet engagement. Qu'est-ce que cela signifie pour le territoire de Rauzan d'être engagé vers un territoire bio ?
La terre est le fruit de la rencontre entre la roche mère, le climat (les intempéries) et le vivant (plantes, champignons). Ces éléments forment des micro-organismes qui constituent la terre ; sans eux, il n'y a pas de vie. Ainsi, selon nous, l'engagement d'un territoire bio consiste avant tout à prendre en considération les vertus essentielles de la qualité des sols, qui ont un impact sur l'ensemble des éléments dont nous dépendons.
Grâce à cette qualité des sols, nous pouvons réfléchir à un cercle vertueux et à un processus itératif permettant de prendre soin de toutes les ressources existantes et de renouer avec l'équilibre de la nature. Comment mettre en valeur les spécificités du territoire, l'essence culturelle d'une commune ?
Terre nourricière
Le feu, la terre et la nourriture sont les trois ingrédients clés du processus de cocréation. Les premières intentions de la résidence se tournent a priori (en sachant que cet a priori doit être vécu durant la résidence et qu'il évoluea en fonction des rencontres et de la confrontation au territoire) vers le récit des expériences de la table et du monde viticole. Ce thème général fait écho à la construction d'une culture commune et partagée ; il exprime, selon nous, la relation étroite entre les territoires, les habitants et les touristes.
Par ce temps de recherche-action, nous souhaitons interroger et convertir le langage viticole en une possible transposition architecturale, et l'expérimenter à travers l'usage de la terre crue et/ou cuite. Nous souhaitons également mener des recherches sur les éléments de déchets issus du monde viticole. Ce travail, mené sur un territoire marqué par des lieux viticoles, permet d'ancrer les habitants dans une histoire commune et d'identifier les interdépendances qui se jouent entre les paysages viticoles et le tissu urbain médiéval.
« Ce projet est piloté par le 308 Maison de l’Architecture en Nouvelle-Aquitaine, en partenariat avec la commune de Rauzan et avec le soutien de la Direction Régionale des Affaires Culturelles.
L’action est organisée dans le cadre du dispositif « 10 Résidences d’architecture en France 2025 », porté par le Réseau des maisons de l’architecture avec le conseil national de l’Ordre des architectes et le ministère de la Culture. »